Vierzy, elles n’en parlent pas
Elles avaient à peine 20 ans. En 1972, vingt élèves infirmières de Soissons ont été projetées dans l’horreur sans préavis. Cinquante ans plus tard, elles racontent… sans raconter.
Elles étaient en chantant dans un car, joyeuses et légères, de retour d’un spectacle de Robert Hossein à Reims.
Nous étions le 16 juin 1972, veille d’été, veille de drame. À l’arrivée devant l’école, leur directeur les attendait : « le plan ORSEC est déclenché, allez vous mettre en tenue ».
Le tunnel de Vierzy venait de s’effondrer sur deux trains bondés. Bilan : 108 morts, 111 blessés. Ce qu’elles ont vu ensuite ne sera jamais raconté. Mais elles étaient là.
La promotion 71-73 de l’école d’infirmières de Soissons se réunit tous les dix ans. En 2022, elles ont accepté de témoigner. L’autrice Marie-Anne Balin, Soissonnaise d’adoption, les a rencontrées une à une, patiemment. De ces récits, souvent murés dans le silence, elle a tiré un livre qui n’est pas un roman, pas un documentaire non plus : un fil fragile de souvenirs, d’amitiés et de résilience.
Sans jamais entrer dans l’horreur de la catastrophe, l’ouvrage met en lumière ce que les participantes ont accepté de dire : leur jeunesse, la formation stricte et joyeuse, les années soixante-dix, la médecine d’hier, la vocation. Vierzy reste en marge, dans l’ombre.
Chaque chapitre est encadré d’un bref rappel historique sur le tunnel, comme une présence muette. À travers leurs carrières diverses, ce sont aussi cinquante ans d’évolution du métier d’infirmière et de la place des femmes qui s’y dessinent. Le livre s’est écrit dans la pudeur et la fidélité. Pas de récit cru, pas de sensationnalisme. Mais un devoir de mémoire assumé, pour ces jeunes soignantes d’alors, pour leurs camarades, pour tous les premiers intervenants de Vierzy. Et surtout, pour dire enfin ce qu’on ne dit pas.
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